Le lycée des arts graphiques et du livre de Paris s'articule aujourd'hui sur deux sites : Corvisart et Tolbiac.
Ses bâtiments, chargés d'histoires, appartiennent au patrimoine industriel du 13è arrondissement.
Le site Corvisart
Une alternance de briques rouges et ocres, de grandes baies vitrées : le bâtiment qui abrite aujourd'hui le lycée professionnel Corvisart, spécialisé dans les arts graphiques, ne dissimule guère son passé industriel. Avant d'accueillir des élèves, cette adresse fut celle d'une usine de cuir pour les chaussures puis d'une fabrique de jouets.
Retour en 1905. A l'époque, la Bièvre coule encore un peu à ciel ouvert dans Paris, notamment à la place de l'actuel square René Le Gall, en bas de la rue Corvisart, et le quartier compte de nombreuses usines nées grâce à la présence de cette "rivière industrielle". Des boucheries, des tanneries, des mégisseries, qui emploient beaucoup d'ouvriers mais empuantissent l'air : "La rue Croulebarbe est devenue la rue Croule-Peste !", s'était ému Le Petit Parisien en 1883, lors d'un été dont la chaleur avait transformé le secteur en cloaque. Victor Lanier, le mégissier à l'origine de l'usine, connaît bien les lieux. Né en 1847, il entre à dix-sept ans comme apprenti chez Mariotte, une entreprise de cuir installée rue Croulebarbe. Il en devient associé à 28 ans, seul chef à 41 ans. A l'époque, Mariotte emploie quelque 200 ouvriers. Avec sa haute cheminée et la Bièvre en contrebas, la grosse usine de la rue Croulebarbe est suffisamment frappante pour qu'elle soit l'objet d'une peinture d'Alfred Bahuet datée de 1885 et conservée au musée Carnavalet, puis d'un dessin de 1887 signé Jules-Adolphe Chauvet, un artiste plus connu pour ses vignettes érotiques.
Au tournant du siècle, Victor Lanier investit dans la construction de nouveaux bâtiments. Côte à côte, au 59 et au 61 rue Corvisart, sortent de terre deux usines de tannage du cuir au chrome. La première, au 59, est confiée à la maison Charles Marchand. Victor Lanier se réserve la seconde, une tannerie avec mégisserie et teinturerie de peaux de chevreaux. La construction est signée Victor Rich. Célèbre pour avoir contribué quelques années plus tôt au Monument aux Girondins sur la place des Quinconces à Bordeaux, cet architecte a aussi travaillé sur la raffinerie de sucre Say, un peu plus loin dans le 13e arrondissement. Sur place, Victor Lanier associe deux de ses fils, Edouard-Ernest et Edmond-Louis, à sa nouvelle entreprise. "Les produits de ces messieurs, fabriqués dans leur belle usine du 61 rue Corvisart, à Paris, sont principalement les chevreaux au chrome pour chaussure, glacés noirs, couleurs, vernis dorés et blancs et les chevreaux mégis", précise la revue Le Cuir en 1911. Ces années-là, les Lanier remportent une série de prix aux expositions professionnelles de Londres, Saragosse, Quito, Nancy, etc. Quant à Victor Lanier, il est fait chevalier de la légion d'honneur.
Après sa mort, en 1917, ses fils poursuivent l'exploitation de l'usine jusque dans les années 1930. C'est à cette époque que le 61 rue Corvisart passe aux mains d'un autre industriel, Louis Roussy. Avec son partenaire René Trubert, cet inventeur a conçu des soldats de plomb, des petites voitures et surtout des trains miniatures vendus sous la marque Le Rapide ou LR – les initiales, justement, de Louis Roussy. Son usine est d'abord installée à Trappes, dans les Yvelines. Mais dès 1934, c'est la rue Corvisart que LR donne comme adresse commerciale. S'agit-il seulement de bureaux, ou des ateliers sont-ils aussi exploités sur place ? La question reste ouverte. La marque LR disparaît dans les années 1950, laissant la place au lycée Corvisart durant la décennie suivante.
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1. Le 61 rue Corvisart, Métro Corvisart aujourd'hui.
2. L'usine Mariotte peinte par Alfred Bahuet (1885)
3. L'usine "Vve Mariotte et Lannier", rue Croulebarbe, en 1887. Dessin de Jules-Adolphe Chauvet (source: Gallica.fr)
4. Le logo de la marque Le Rapide - LR
5. Publicité pour LR, avec l'adresse de la rue Corvisart (Le Matin, 1934)
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Source : Blog de Denis Cosnard : http://lafabriquedeparis.blogspot.fr/
Journaliste au Monde, parisien, passionné par l'économie, ses petites et ses grandes histoires
Le site Tolbiac
Le site de Tolbiac est au cœur du quartier de la Butte aux Cailles. Il abrite des savoir-faire rares notamment ceux de la reliure et de la dorure.
Le bâtiment, construit vraisemblablement dans les années 1930, a fait l'objet d'une restructuration entre 2005 et février 2006 (9 mois de travaux) et accueille aujourd'hui les formations amenant aux métiers de la reliure, du marchandisage visuel, du routage-façonnage mais aussi de la préservation du patrimoine avec la mention complémentaire entretien et préservation du patrimoine.